- PARAPLUIE (histoire de la mode)
- PARAPLUIE (histoire de la mode)PARAPLUIE, histoire de la modeL’homme a toujours cherché à se protéger du soleil et de la pluie au moyen de dispositifs mobiles et portables: parasols, ombrelles, parapluies et en-cas ont répondu, au fil des siècles, à cette demande. Le parasol, objet d’utilité pratique dont l’origine reste obscure (certains la font remonter à une légende chinoise du XIIe siècle avant notre ère) est chargé d’une riche symbolique. De taille et de poids importants, et exigeant donc d’être porté par un serviteur, il est tour à tour symbole de dignité religieuse, royale ou papale, attribut mythologique et même emblème héraldique. Présent dans l’Égypte ancienne, il symbolise la voûte céleste que le pharaon soutient au-dessus de ses sujets, il est gravé sur les bas-reliefs du palais d’Assurbanipal en Assyrie, sculpté par Phidias sur les frises du Parthénon en célébration de la fête des Parasols, offert en remerciement par Alexandre III en 1177 au doge Ziani et figure dans les armes du pape Eugène IV (1431-1437). C’est encore comme symbole de dignité royale qu’il abrite Le Chancelier Séguier en 1660 (tableau de Charles Lebrun, musée du Louvre), Marie-Thérèse et Louis XIV en 1660 à l’occasion de leur entrée triomphale à Paris (gravure au cabinet des Estampes, Bibl. nat.). Le chancelier sera, au demeurant, violemment critiqué pour avoir joui de deux privilèges réservés au roi: deux parasols portés par des serviteurs et cheval blanc.C’est en 1622, dans les farces de Tabarin, qu’apparaît le mot parapluie, mais jusqu’à la fin du XVIIIe siècle les termes parasol et parapluie sont utilisés indifféremment l’un pour l’autre: parasol de toile cirée (donc contre la pluie) dans l’Inventaire du mobilier de la Couronne, 1673; parasol-parapluie de Jean Marius (1710); pour les dictionnaires de Richelet (1680) et de Trévoux (1771), le parasol «sert à se défendre du soleil et de la pluie », et le parapluie «sans sens bien défini, c’est tout au plus un parasol». L’Encyclopédie quant à elle précise en 1765: « recouvert de toile cirée, l’ustensile s’appelle parapluie, recouvert de soie, parasol». L’ombrelle-parapluie et surtout l’en-cas perpétuent longtemps ce double usage. Mais comme il est impensable d’être vu avec un parapluie, signe que l’on ne possède pas d’équipage, le parapluie est proposé en 1769 en location pour traverser le Pont-Neuf. Il mêle, comme le parasol, utilité et valeurs symboliques: patriotique, il est blanc en 1788, vert en 1789, rouge sang en 1791, bleu de France en 1804; politique, ses poignées à visages de conspirateurs hantent en 1831 les nuits du préfet de police Vivien (dessin de Grandville, journal La Caricature ). Et que dire de l’immense parapluie de soie rouge qui impressionna vivement les populations africaines et permit à l’explorateur Roger Caillé de voyager sans encombre vers Tombouctou en 1828; Il devient «objet d’usage» au XIXe siècle, grâce aux nombreuses améliorations techniques (plus de cent trois brevets d’invention et de perfectionnement entre 1808 et 1851). Si la forme des pièces (noix, coulants, fourchettes, etc.) composant la monture n’a que peu changé depuis le XVIIIe siècle (cf. planche de l’Encyclopédie de Diderot, t. IX), les matériaux comme l’acier, utilisés à la place de l’os (chez les Étrusques), du bois, des fanons de baleine ou du cuivre, ont permis une miniaturisation de l’objet fabriqué. Dès 1705, l’ingénieux Jean Marius, de la corporation des boursiers, avait proposé un «parapluie pliant» à armature métallique, pesant cinq onces (moins de 160 g) et mesurant six pouces (moins de 23 cm), au lieu des 2 kilogrammes et un mètre vingt des parapluies traditionnels, mais cette invention ne semble pas avoir eu tout le succès espéré, seule la princesse Palatine la mentionne en 1712 dans une lettre. Et bien d’autres inventions pratiques, telles que dragonne, systèmes d’ouverture et de fermeture automatiques viennent tout au long des années perfectionner la fabrication.L’usage du parapluie s’étend alors rapidement à toutes les couches de la société; on trouve même, à la fin du XIXe siècle, un «parapluie d’embuscade» dans le paquetage des douaniers; Dans l’Angleterre victorienne, les banquiers l’adoptent à leur tour. Il symbolise alors la confiance et la sécurité (nombre de compagnies d’assurances et de banques le font, aujourd’hui, apparaître dans leurs publicités). Devenu «accessoire de mode» avant la Seconde Guerre mondiale, il profite de toutes les fantaisies de couleurs et de matières offertes par les couturiers et les fabricants.L’ombrelle, elle, existe dès l’Antiquité, «objet de mode» décrit par Aristophane, Ovide et Juvénal entre autres, cependant que Montaigne, lors de son voyage en Italie, critique l’objet «plus encombrant qu’utile» (le mot est alors masculin). La gravure de Jean de Saint-Jean d’après Bonnart Dame se promenant à la campagne (1675) est sans doute la première représentation de l’ombrelle moderne. Sous Louis XVI, hissée par Rose Bertin au sommet des énormes coiffures, elle laisse les mains libres pour la canne et l’éventail. Véritable phénomène de société jusqu’aux premières années du XXe siècle, objet de convoitise pour les femmes de toutes conditions, l’ombrelle est alors beaucoup plus qu’une simple protection contre le soleil: «[...] que de drames, que d’émotions elle a caché de son nuage de soie [...]» (R. M. Cazal, 1844).«Marquise» au manche brisé pendant tout le second Empire, elle grandit dans la seconde moitié du siècle, en complément indispensable de toute toilette d’été. Des malles sont spécialement conçues pour elle par des bagagistes comme Vuitton, et l’écrin contenant poignée, aiguillettes et embout d’ombrelle est un cadeau de mariage très apprécié. Mais malgré l’intérêt que des couturiers comme Drecoll, Redfern, Lanvin ou Schiaparelli lui ont porté, la vie moderne et active a fait disparaître un accessoire que seules quelques mariées romantiques persistent encore à utiliser.
Encyclopédie Universelle. 2012.